Tenir un blog, être sur les réseaux sociaux, ça offre le luxe de pouvoir discuter avec les auteurs, qui sont pour la plupart très proches de leurs lecteurs. J’ai donc eu envie de créer une nouvelle rubrique, intitulée « Brin de causette » (le titre n’est pas définitif…. si vous avez des idées à me proposer je suis preneuse !), un entretien avec des auteurs en somme…
Mattias KÖPING
J’inaugure ce brin de causette avec Mattias Köping, auteur du roman noir Les Démoniaques.
– Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis marié et père de deux enfants. J’ai 46 ans et je mène une vie très paisible quelque part dans la campagne normande.
– Votre roman, Les Démoniaques, est un livre noir, cru et violent. Est-ce que c’est le genre de livres que vous lisez vous-même ? Et quel est le livre qui vous a donné envie d’écrire ?
Oui, il m’arrive de lire des romans très durs, mais je ne suis pas spécialement obnubilé par ce genre de texte. Je lis vraiment de tout, dans tous les genres. Je suis un gros lecteur. Le polar n’est qu’un genre parmi d’autres. Idem pour le roman noir. En revanche, je note que les livres qui m’ont le plus marqué sont soit très comiques, soit très sombres. Quelques exemples d’auteurs de polars ou d’œuvres pessimistes que j’affectionne : Cormac Mac Carthy, Orwell, A.Burgess, C.Palanhiuk, J.Ellroy, Houellebecq, les auteurs de tragédies antiques et classiques…Il y en a tellement !
Aucun livre ne m’a donné envie d’écrire. C’est plus un ressort intérieur qui m’y pousse, et c’est loin d’être toujours un plaisir.
– Comment vous est venue l’idée des Démoniaques ?
De presque rien : la scène du vol du livre. Je pars toujours d’un bout de ficelle, autour duquel je construis une histoire entière. D’ailleurs, je considère plus Les Démoniaques comme un roman noir que comme un polar. Ce n’est pas un texte à énigme et, somme toute, l’histoire est très simple. La première scène que j’ai écrite est donc celle du chapitre 2 ( le vol du livre), puis mon texte s’est nourri de plusieurs sources et a progressé au fur et à mesure, se dévoilant au fil de l’écriture comme un texte très dur. Je n’ai jamais de plan déterminé quand je commence une histoire. C’est à la fois excitant, car on ne sait pas où l’on va, mais aussi pas toujours très productif : on prend souvent des pistes qui, avec le recul, ne sont pas terribles.
– D’ailleurs qui sont les démoniaques ? Pourquoi ce titre ?
Les Démoniaques…ce titre n’a aucune portée mystique ni métaphysique : les salauds sont des gens bien terrestres, qui commettent le mal de manière très humaine et très terre-à-terre, pour satisfaire leurs appétits les plus sordides. Les tortionnaires sont à mon avis des gens très matérialistes, on ne peut plus prosaïques, qui déguisent parfois leurs crimes sous de grands principes religieux ou politiques. Pour reprendre le mot de Coluche, « l’horreur est humaine ». Et pour paraphraser Shakespeare, « l’enfer est vide, tous les démons sont ici ». Le mal existe ici et maintenant et il est humain à cent pour cent.
– J’imagine que comme vos lecteurs, vous n’êtes pas ressorti indemne de ce livre. Comment avez-vous pu sortir de l’histoire ? Est-ce que vos personnages disparaissent dès le point final posé, ou bien est-ce qu’ils continuent à vous hanter ?
Mes personnages me hantent, c’est clair et net, en particulier Kimy pour Les Démoniaques et Zéro pour Le Manufacturier. J’y réfléchis souvent, ainsi qu’aux thèmes de mes bouquins. La violence (et la façon de la traiter) est une question très importante, à laquelle j’ai très longuement songé en écrivant Les Démoniaques, mais aussi Le Manufacturier. Quand j’ai compris quel genre d’histoire j’étais en train d’écrire, je me suis tout simplement arrêté et j’ai cogité des jours entiers avant de reprendre. Voilà ce que je me suis finalement dit : 1./ soit tu n’écris pas le livre 2./ soit tu édulcores totalement 3./ soit tu assumes et tu y vas à fond. C’est la dernière solution qui l’a emporté.
Pourquoi ? D’abord, le cinéma, la TV, la littérature ont tendance à nous rendre supportable ce qui, par définition, est insupportable et totalement inqualifiable. La plupart des fictions- pas toutes, attention-, rendent la violence acceptable, l’enrobent de miel, la sucrent (ce qui est la définition même d’un édulcorant) et, finalement, on avale sans sourciller les pires atrocités, comme ça, à la chaîne. Ça ne nous dérange plus. On digère et on passe tranquillement à autre chose. Et je ne voulais pas écrire ainsi. Je ne suis pas le seul à avoir fait ça, très loin de là, mais je voulais que la violence sonne juste et qu’on la prenne pour ce qu’elle est effectivement : horrible. Je pense avoir réussi sur ce point. C’est une violence sans glamour, terre-à-terre, et, par conséquent, glauque et très crédible. D’où la « claque » ! C’est un mot qui revient presque à chaque fois dans les avis et chroniques que j’ai pu lire sur mon roman.
Il faut que les lecteurs sachent que les claques qu’ils ont prises, je me les suis mises tout au long de l’écriture. Comme je le disais dans une autre interview, je suis descendu très loin en-dessous de ma propre limite d’inconfort. Cela a été une écriture parfois éprouvante et la rédaction du roman a été une vraie aventure pour moi. J’en étais déprimé, parfois.
– Concernant vos personnages justement, est-ce que pour vous les méchants sont forcément repoussants physiquement ? Car l’Ours, Dany et le Simplet ont quand même l’air d’être assez laids…
C’est un marqueur de personnalité assez simpliste, un cliché de roman noir que j’assume entièrement. Cela participe à définir ce qu’ils sont. D’une manière assez caricaturale, leur physique reflète leur âme. Eu égard à certains thèmes ( le viol, la pédophilie, la traite d’êtres humains), je voulais clairement définir les personnages négatifs comme de véritables ordures, pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté. Il est impossible de se tromper en lisant le bouquin : les salauds sont de vrais salauds. La seule chose qu’on éprouve pour eux, c’est du dégoût et de la haine. Aucune fascination possible, aucune identification non plus. Leur donner des traits physiques disgracieux a contribué à ce processus.
– Vous avez écrit à ce jour deux romans, les Démoniaques et le Manufacturier, qui sont tous les deux salués par la critique et les lecteurs de polars. Vous attendiez-vous à un tel succès ?
D’abord une petite nuance : certains lecteurs détestent mes bouquins, ce qui est parfaitement compréhensible et légitime. Je ne fais pas l’unanimité, ce qui n’est guère étonnant. Cela dit, il est vrai que les deux bouquins ont recueilli beaucoup de louanges, plus encore Le Manufacturier (qui est clairement mieux écrit, plus fouillé, plus complexe…) que Les Démoniaques. J’en suis à la fois très surpris et très reconnaissant à toutes celles et tous ceux qui apprécient mon boulot. Merci, vraiment.
– Pouvez-vous me parler de votre roman le Manufacturier ?
Il est très différent des Démoniaques. Seul vrai point commun : la noirceur, plus absolue encore. Pour le coup, c’est un vrai thriller, construit sur plusieurs enquêtes qui vont toutes se télescoper : un trafic de drogue, des crimes en série, la poursuite d’un criminel de guerre serbe. La toile de fond est le conflit yougoslave des années 91-95, avec quelques incursions dans la Seconde Guerre mondiale, avec les terribles Oustachis. C’est un livre déconseillé aux âmes sensibles !
– Avez-vous un dernier mot à ajouter à cet entretien ?
Oui, merci à vous, ainsi qu’à toutes les lectrices et lecteurs qui me font part de leur soutien et de leur enthousiasme !
Je remercie infiniment Mattias Köping d’avoir gentiment répondu à mes questions.
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