Le début du livre a été difficile : ça a été long de se mettre dans l’histoire, puisque beaucoup de noms sont cités, des personnages pas toujours pertinents pour l’histoire. C’est toutefois une lecture éprouvante, tant le sujet est sensible. Et cette lecture a une certaine résonance pour moi car j’ai vu les camps de Auschwitz et de Birkenau lors d’un voyage scolaire en Pologne. J’ai donc vu de mes yeux les tonnes de lunettes, de valises, de chaussures de toutes tailles, les photos de quelques centaines de prisonniers, les lits en bois où ils s’entassaient à plusieurs, les baraquements,… Tout ça je l’ai vu, et encore aujourd’hui j’en reste marquée, à vie…
Comment supporter cela ? Comment ignorer cela ? Comment un tel homme, Josef Mengele, a-t-il pu faire tout ce qu’il a fait, participer à une telle entreprise de déshumanisation et d’extermination, et continuer jusqu’à sa mort, à minimiser son rôle dès que quelqu’un découvre sa véritable identité, à aduler un Hitler haïssable et un 3ème Reich déchu, à vouer une haine viscérale aux Juifs et même tous ceux qui ne sont pas allemands ? Ce personnage est antipathique, écœurant d’égocentrisme, puant de prétention, et totalement détestable. Au fil du livre, et donc au fil de sa cavale, il devient parano ; sa cavale bénéficie de quiproquo et à chaque fois qu’il est sur le point d’être retrouvé, il passe entre les mailles du filet, volontairement ou non. Il bénéficie également d’amis haut placés, de beaucoup d’argent et également de chance.
Concernant le livre en lui-même et le travail de l’auteur, c’est remarquable. Olivier GUEZ a donné de sa personne en se rendant dans les pays où s’est caché Mengele durant tant d’années. C’est un roman dans le sens où il a du inventer des passages manquants de l’histoire, mais dans les grandes lignes c’est un travail d’historien que l’on ne peut que louer. J’ai ainsi appris beaucoup de choses, sur l’Argentine de Juan et Evita Peron notamment, dirigeants ultra tolérants sur la présence de nazis dans leur pays, sur « l’œuvre » macabre de Mengele – un obsédé de la gémellité – dont les âmes sensibles s’abstiendront de lire les détails…
C’est un très bon livre sur un sujet difficile mais nécessaire.
Ne pas oublier pour ne pas recommencer.
Note :
Caché derrière divers pseudonymes, protégé par ses réseaux et par l’argent de sa famille, soutenu à Buenos Aires par une communauté qui rêve du Quatrième Reich, Mengele croit d’abord pouvoir s’inventer une nouvelle vie… En Allemagne, l’heure est à la reconstruction, l’Argentine de Peron est bienveillante, le monde entier veut oublier. Mais la traque reprend, menée par le Mossad puis par le chasseur de nazis Simon Wiesenthal. Avec l’aide de sympathisants, Mengele trouve un temps refuge au Brésil, auprès d’un couple de Hongrois, dans une ferme reculée. Son errance ne connaîtra plus de répit. De planque en planque, entouré d’une meute de chiens, perché sur le mirador qu’il a fait construire pour guetter les dangers qui le menacent, isolé, déguisé, dévoré d’angoisse, Mengele finira noyé sur une plage brésilienne.
Comment le médecin SS a-t-il pu passer entre les mailles du filet international trente ans durant ? De quelles complicités en Allemagne de l’Ouest et en Amérique du Sud a-t-il bénéficié ? L’histoire est inouïe, elle est dérangeante. La barbarie nazie y croise la modernité des années 1960 et 1970, et nos ambiguïtés occidentales : que faire des hommes qui ont commis le mal ?
La Disparition de Josef Mengele est une plongée au cœur des ténèbres. Anciens nazis, agents du Mossad, femmes cupides et dictateurs d’opérette évoluent dans un monde corrompu par le fanatisme, la realpolitik, l’argent et l’ambition. Voici l’odyssée dantesque de Josef Mengele en Amérique du Sud. Le roman-vrai de sa cavale après-guerre.